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Fersing Joseph, ancien Président de la Fédération des Sociétés des Mineurs et Sidérurgistes de France et de Sarre et du Luxembourg.

R.A.D.

« Obligé par les Allemands de travailler comme mineur de fond dès mon retour de Charente-Maritime, je fus incorporé dans le RAD à Trèves du 10 novembre au 29 décembre 1942. Le travail de terrassier n’avait plus de secret pour moi de par mon savoir-faire minier, cependant notre encadrement tint à nous fignoler l’art du bêchage. Un important terrain en friche à réaménager en verger servit de cadre à notre exercice manuel. L’ouvrage accompli dans les délais, c’est là que notre relève allait pouvoir implanter des arbustes fruitiers sur le site destiné à la future pommeraie.

Les pépins que j’allais connaître par la suite en furent pour ma pomme !

Wehrmacht : Je partis très abattu à la Wehrmacht le 22 mars 1943. Le décès de ma mère survenu le 3 mars, la commotion cérébrale de mon frère datée du 18 mars avaient noirci mon univers et blanchi en l’espace de trois semaines les cheveux de mon père, brutalement confronté au sort impitoyable de la tragédie familiale.

Affecté au Btl. 42 de Bayreuth, je partis rapidement en Crimée, à Simféropol. Von Manstein avait écrasé Sewastopol de 50 000 tonnes d’obus de tous calibres les mois précédents ; je pus visiter les ruines de l’usine Maxime Gorki. Le mortier Thor et les canons géants Odin et Dora avaient eu raison des immenses murailles ceinturant l’usine.

Mon séjour dans cette Riviera idyllique connut une existence paisible, même si les tirs nocturnes expédiés par les partisans illuminaient parfois dangereusement cette douce contrée. Notre travail consistait à surveiller les côtes : signalement des passages d’avions et de bateaux ennemis, lutte contre l’incursion de patrouilles. La plaine longeant la Mer Noire s’étageait très vite en collines impressionnantes à l’entour.

Je posais mon barda à Simeis (près de Yalta) et non loin de la non moins célèbre datcha où allait se sceller le sort du monde lors de la rencontre Roosevelt-Staline-Churchill. J’ai personnellement visité la propriété. Une triple haie, alternée avec une double ceinture de grillage, encadrait l’aménagement paysager dans le parc. La villa apparaissait quelconque, car vidée de tout son mobilier. Je goûtais à cette villégiature prisée loin des combats meurtriers auxquels était confronté la XVIIème Armée allemande dans le Kouban. Suite à la défaite de Stalingrad, les fronts du Caucase et du Don se rapprochaient.

Je fus muté le 11 août 1943 dans la 9 kp. du Feld Ausbildungs Regiment 23.

Les choses sérieuses allaient bientôt commencer. On nous demanda de foncer à marche forcée à travers la presqu’île de Kertch pour aller soutenir les camarades. Pour tenir la route et bien caler l’estomac, je partis me ravitailler avec une dizaine de fantassins dans une maison abandonnée. Comment vouloir combattre la fringale (Kohldamp) sinon avec les bras chargée de victuailles ? Cette mini razzia ne plut pas à notre encadrement. On nous arrêta. Nous voilà passibles, d’après ces Herren (Messieurs), de très lourdes sanctions. Un tribunal militaire fut aussitôt érigé en pleine nature. Cinq officiers naphtalinés, de ceux qui préféraient se battre avec les règlements stricts du code militaire plutôt que de sabrer du Russe, ces cinq Amtschimmel (bureaucrates zélés) voulurent donc nous fusiller pour l’exemple. «Plündern ist dein Tod. Piller équivaut à ta mort.» Heureusement que notre adjudant-chef, un de ces « maréchaux » qui faisaient la renommée de la Troupe, prit notre défense et put calmer l’excessive orthodoxie de ces officiers prosélytes gagnés au Nouvel Ordre. « Ces jeunes vont au front pour défendre la Patrie ! Aux grands moyens, les grands remèdes. Ils ignoraient le règlement. Comment voulez-vous attaquer avec un ventre vide ? »

Les ronds-de-cuir, interloqués, battirent en retraite. L’attaque avait été fixée à 19 heures en ce 20 novembre 1943. L’ennemi s’était retranché au sommet d’une colline mais il désertait systématiquement le faîte lorsque les Stukas venaient bombarder la crête. Les Russes sachant les dégâts que causaient les obus frappant de plein fouet les rangs de leur troupe s’établissaient d’ailleurs assez loin de leurs positions en se réfugiant dans la contre-pente. Nous devions aller les déloger au pas de course sous les piqués hurlants des oiseaux-de-fer à croix noire. Notre compagnie fut hachée menue par un feu d’enfer. On tombait comme des mouches. Je me souviens avoir crié de douleur et avoir volé en l’air tandis qu’un éclat d’obus s’incrustait comme un tourment cruel dans ma cuisse gauche.

Mes gémissements alertèrent un camarade berlinois. On sentait à ses gestes précis de secouriste que ce vétéran expérimenté (lui-même déjà blessé au cours d’un premier séjour en Russie) savait y faire pour poser un garrot. Il me traîna ensuite vers un poste de secours. Opéré dans un Feldlazarett de Simféropol, je fus évacué par un avion Ju 52 sur Odessa. Un train spécial nous dirigea sur Bernbourg le 17 décembre 1943. Dans le compartiment, j’appris de la bouche d’un capitaine qui venait d’être amputé d’une jambe que nous l’avions échappé belle : deux des quatre avions sanitaires avaient été descendus par la chasse ennemie. J’eus une peur rétrospective : ces appareils en tôle ondulée dans lesquels on casait une quarantaine de blessés n’inspiraient guère confiance, déjà rien qu’à les voir décoller au milieu des vibrations et autres tintamarres ! Et pourtant que d’hommes sauvèrent ces pilotes courageux.

Après la guérison de ma blessure survenue en Crimée, je sortis de l’hôpital le 3 février 1944 et je fus dirigé sur le Gren. Btl 477 de Meseritz. Je bénéficiai d’un congé de convalescence ; puis lors de mon retour à l’unité, je fus rééquipé de pied en cap. Nous eûmes bientôt l’ordre de participer à l’encerclement de Varsovie.

Les artilleurs allemands et les avions pilonnaient les résistances héroïques pour neutraliser les poches de l’insurrection. Pionniers et blindés durent s’employer pour réduire au silence les combattants polonais de la Libération nationale.

Les Russes, très attentistes, laissaient les Allemands écraser la révolte. Plus on éliminait d’insurgés, moins on aurait plus tard de difficultés à installer le parti ouvrier unifié ! tel a dû être le machiavélisme de Staline. On le comprit après guerre, lors de la mainmise soviétique sur le pays frère.

Je partis peu après au front.

Campant à l’arrière des lignes, lors d’un repos bénéfique de quatre jours, je fis la connaissance d’une famille paysanne polonaise : un vieux couple sympathique. Leur fils était également un incorporé de force, un malgrénouski comme moi. La dame âgée de 70 ans parlait l’allemand et elle me supplia de rester chez eux. Son mari n’avait plus ses forces d’antan : elle me cacherait en échange de travaux agricoles à effectuer. C’était un pari osé, je demandais à réfléchir. A peine de retour dans mon unité, on nous signifia un départ sur l’heure vers Koenigsberg, là où la marée russe laminait tout. Je décidai de m’éclipser : mon évasion eut lieu à Starograd le 10 août 1944.

Assis sur un Panjewagen, je fouettai mon cheval vers le domaine agricole. En cours de route, je dus même échanger des coups de fusil contre deux Feldgendarmes qui cherchaient à m’appréhender. Je fonçai dans le corps de ferme, squatté en ces instants cruciaux par de nombreuses familles prussiennes en fuite face à la marée rouge. La dame me cacha aussitôt dans le four. Elle brûla mes vêtements et m’accoutra d’effets civils. J’étais maintenant devenu un quelconque prisonnier de guerre français.

Les prémices de la bataille avaient fait détaler les pandores…bientôt remplacés par des hordes sauvages lubriques.

Assoiffées de « femelles », les premières troupes russes partaient systématiquement à la chasse aux bipèdes en jupons. Telle était leur mentalité de mâles conquérants. Même ma Samaritaine septuagénaire passa à la culbute.

Le couple spolié retrouva peu après sa propriété d’antan : je devins pour quelques mois leur valet de ferme. Entre-temps, je fus appréhendé par le NKVD (organisme créé en 1934, après la dissolution de la GPU, Guépéou = police politique soviétique, Ndr). L’officier enquêteur parlait le français : trois années d’études de droit à Paris lui permirent d’emblée de vérifier si je maîtrisais la langue de Molière. J’exhibai même un document tricolore de la Société de construction aéronautique de Rochefort dans laquelle j’avais été embauché comme électricien lors de l’exode. Cette preuve irréfutable ne m’évita pas d’aller croupir dans une salle bondée d’inconnus.

Relâché par la suite, je retrouvai la vie au grand air et mes soucis : comment faire parvenir des nouvelles chez moi ? Comment obtenir un « visa » de sortie du territoire polonais ? Enfin, à force de patience, je pus en août 1945 quitter mon lieu de séjour forcé. Un billet de chemin de fer ainsi qu’un triple viatique polonais me permirent de rallier Berlin. A la gare occupée par les Anglais et les Américains, on me dirigea vers une french caserne : j’y fus soigné, nourri et habillé. Un Parisien, un de ces titis beaux parleurs, s’enquit de ma personne. Je lui racontai mon histoire. « Oh ! Malheureux, si tu rapportes que tu as été soldat allemand, t’es pas prêt de revoir ta Lorraine ! Laisse-moi faire, tu diras au contrôle que tu étais K.G. (prisonnier de guerre) avec moi. » Plus vite dit que fait.

Les « détectives » filtraient les questions, je restai très évasif. Le parigot sut me tirer d’affaire. Nous voyageâmes en avion de Tempelhof à Orly. Un jeune officier chargé de démasquer les volontaires de la Légion française (LVF) qui avaient combattu pour les Allemands enquêta sur notre périple. Le Parisien, au culot, lui répéta que nous étions depuis cinq ans des prisonniers inséparables d’un stalag prussien et qu’il valait mieux ne pas chicaner des hommes malades, des êtres révoltés que la Patrie avait honteusement sacrifiés, et qui étaient heureux de pouvoir enfin rentrer au bercail.

Je fus expédié dans le centre de démobilisation de Chalon-sur-Saône. Un officier, May Gaby, (qui deviendra maire de Forbach) me facilita la procédure de rapatriement.

Que penser de l’incorporation forcée dans la Wehrmacht plus de 60 ans après les faits ? Même si l’être humain a une capacité de digestion rapide des évènements qui ont émaillé le cours de sa vie, le traumatisme subi par les Malgré-Nous s’inscrit dans un psychodrame à part. Orphelins nationaux, ces adoptés pseudo-germains mal aimés ont subi le dépaysement complet. Autre culture, autres mœurs. Janissaires forcés, le système nazi en a fait des hommes « blessés » dans leurs chairs. Face à l’après-guerre, beaucoup ont « enterré » leur tragédie. Souvent leur conscience a été leur seule confidente.

L’armée française m’avait fait miroiter un poste de sergent avec une solde intéressante. La réputation du fantassin ayant servi dans l’armée allemande restait auréolée de gloire au-delà de la défaite. La Coloniale cherchait des hommes trempés dans le révélateur de la guerre pour les envoyer en Indochine à l’assaut du Vietminh. Je déclinai fermement la proposition tout comme la vingtaine de Mosellans présents. Moi-même, j’avais mûri trop rapidement sous le forçage précipité de la vie.

La guerre m’a imprimé une flétrissure au fer rouge ; comme un banni, j’ai supporté ma condition injuste. Longtemps après guerre, je me dressais en sursaut dans mon lit, cognant des mains et des pieds contre la pieuvre insaisissable aux hourré étrangleurs. Certes le temps atténue les souffrances morales, mais la vieillesse agit comme un « catalyseur » sur les avatars de mon incorporation de force. Jeunesse dorée, si tu savais ! »

 


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