« 6 août 1943 : j’ai été envoyé dans un régiment d’artillerie à Preussich-Eylau en Prusse-Orientale avec Maurice Moyses qui a été incorporé de force en même temps que moi.

Nous fûmes tous deux affectés à une batterie lourde motorisée pouvant expédier des obus de 48 kg, la seule aussi de toute la division à pouvoir voler rapidement au secours de secteurs menacés. Lors des combats meurtriers, c’était toujours notre batterie, positionnée à deux kilomètres de notre ligne d’infanterie, qui était utilisée pour anéantir les chars ou réduire les poches ennemies. Quelquefois, on nous envoyait très, très près du danger ; dès la salve lâchée, il fallait déguerpir sans demander son reste, sachant que la réplique d’artillerie adverse était précise pour détecter rapidement nos emplacements.

Reparti le 1er août 1944 vers le front russe, j’ai servi à Augustowo en Lituanie et près du fleuve Narew.

Un obus a explosé à côté de moi et m’a soufflé par terre, comme une quille. J’ai constaté peu après qu’un éclat avait pénétré dans ma jambe, j’ai pu le retirer. Un infirmier me pansa les plaies pendant quatre jours.

Les derniers temps, je participai aux combats dans le secteur Heilengenbeil-Koenigsberg d’où je m’évadai chez les Russes dans la nuit du 26 au 27 mars 1945.

Pendant les marches forcées si exténuantes (45 km par jour), les escorteurs nous accordaient seulement du repos pour la nuit ; nous dormions dans des prés humides ou dans les terres labourées. Au lever du jour, lors du rassemblement, certains captifs toussaient tandis que d’autres avaient de l’eau dans les membres.

Vu les conditions précaires de l’existence, ma santé déclina et un début de dysenterie se déclara. Les longues marches et l’impossibilité de sortir des rangs avaient occasionné cette faiblesse générale. Je passai par Ragnit et par le camp de Schaulen où je localisai un début d’œdème dans les jambes. Dans une briqueterie, j’ai trouvé par hasard une betterave rouge que j’ai mangée ; mon ventre recommença alors à fonctionner…………

Tambow. Lors d’une coupe d’arbres effectuée dans la forêt de Rada, mon camarade Willy Freitag fut happé par une branche qui l’abattit à terre. Comme il criait de douleur, nous l’avons retiré de sa mauvaise posture et constaté alors qu’il était gravement atteint à la colonne vertébrale. La sentinelle russe chercha dans les environs une planche et du fil de fer. A quatre, nous avons posé le blessé dessus et le garde l’a ficelé pour assurer son maintien sur la civière improvisée. Ramené au lazaret, mon compatriote est décédé à côté de moi, le troisième jour de son admission. Comme j’étais consigné réglementairement à l’intérieur du logis après le couvre-feu, j’ai été puni, un soir, de corvées de latrines pour avoir écrasé des puces et des punaises en m’isolant derrière la baraque. Ma santé déclinant, j’ai pu loger dans la baraque n° 60 et travailler au camp.

 

Le 16 septembre 1945, après la mise à jour des fiches d’état-civil concernant l’enregistrement des prisonniers en attente de départ, le chef me demanda où j’avais été fait prisonnier. Je lui répondis que je m’étais évadé et je lui montrai des papiers russes prouvant mes dires. Il me dit que ces papiers allaient être agrafés au document de la liste des rapatriés. Le 26 septembre, lors du rassemblement des rapatriables sur le terrain de sports, mon nom n’y figurait pas : je restai seul sur la place ! Heureusement, mon copain Wisselman Marcel qui était chef du convoi réussit à m’obtenir, deux heures plus tard, mon certificat de libération. Le 6 novembre 1945, j’étais rapatrié. »

Schnepp Pierre, né en 1919


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