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« Pulawi devient pour un temps mon nouveau Lager d’accueil. Je me rends compte que c’est en fait un immense camp de rassemblement. Les soldats prisonniers de la Grande Allemagne et de ses alliés tournent en rond dans cette impressionnante cage barbelée. Une longue fosse autour de laquelle s’agglutinent des centaines de fesses accueille leurs déjections. La porcherie humaine et ses relents méphitiques devant moi ! Je patauge dans la fange nauséabonde avant de prendre place sur la planche libératrice des sphincters. Des gars impatients nous houspillent pour prendre au plus vite rang, leurs mains triturant nerveusement le haut des chausses.

La loi du plus fort prévaut ; dans ce cloaque, je me sens devenir un minuscule fétu de paille emporté par un maelström indéfinissable. Le froid de début mars 1945 nous lessive au cours d’in­terminables séances d’appel.

Je me demande si nos gardiens savent compter car inlassablement le doigt calculateur du soldat-comptable se pointe sur les files alignées. Les chiffres ne concordent pas, il faut recommencer à zéro. Au cours d’une de ces mémorables opérations de savant calcul, je tombe inconscient sur le sol gelé et je me retrouve peu après allongé sur un bat-flanc rugueux. L’huile de tour­nesol si généreusement étalée dans les soupes cause, à mon avis, les désordres digestifs générant chez moi la tant redoutée dysenterie. On me trans­porte au lazaret des prisonniers.

Je suis allongé sur des planches placées à mi-hauteur du mur. Au début de la maladie, je peux encore me lever et aller récupérer l’eau-de-thé et la soupe aqueuse agré­mentées d’un ridicule Kneckerbrod. Ma faiblesse s’accentue et un matin, lessivé et sans réaction, je sombre dans une léthargie bienveillante. Je me lais­se aller à l’abandon progressif de mes forces. J’ai fini de lutter ; bientôt ma raideur s’intensifie. Des compères peu scrupuleux me déshabillent, on me traîne dehors pour me jeter nu sur un tas de neige. Pourtant, une étincelle de vie s’accroche tenace à l’existence. Je vois. Je vois face à moi, dans le cadre certes embrumé de mon champ de vision qui se dérobe peu à peu, le panorama macabre de têtes et de jambes entassées. La mort les a fauchées.

Je réalise que je ne veux pas finir comme eux ! Non, pas moi !

Et je lutte, l’œil toujours alerte dans un corps de marbre. Je vois défiler ma vie claire et précise, avec des arrêts-images sur ma famille heureuse ou sur d’appréciés repas où frites et gâteaux émergent ponctuellement. Miracle ! Trois officiers battent la semelle non loin de là. Mon corps décharné attire par extraordinaire une dame-aspirant. Elle me délivre un coup de botte et après avoir croisé mon regard accrocheur, elle lâche : « Germanski ? Berlin ?

-  Niet, lui fais-je comprendre en secouant la tête.

-  Niet, Germanski ?

- Franzous ! » parviens-je à dire dans un suprême effort. Un second officier s’approche, me questionne et me fait entendre qu’il a suivi des cours à Paris dans les années 1930. Je n’en peux plus, la paralysie glaciale jette des douleurs inhumaines dans ma tête. Il appelle deux sentinelles qui me traînent dans un hôpital pour blessés russes. J’entrevois à nouveau la planche de salut, encore faut-il lutter pour s’y accrocher. Progressivement, la vie s’insuffle dans mon corps en raideur cadavérique. La faiblesse manifeste m’interdit tout mouvement. Je suis mou comme une chique. Et voilà Anouchka, ma fée surgie de nulle part, ma bouée de secours, mon infirmière miraculeuse, qui me prodigue telle une mère-poule, des soins incroyables et m’alimente avec de brefs repas à doses répétitives afin de me remettre d’aplomb. Dès 6 heures du matin, je suis gavé par cette dame-modèle qui me gratifie cinq fois par jour d’une nourriture énergétique. Au jus de fruits de 10 heures agrémenté de rations de guerre et autres conserves, s’ajoute la kacha (semoule) de midi suivie d’un goûter calorifique que complète au repas du soir une nouvelle portion de kacha royale à la viande inestimable, préle­vée dans des boîtes américaines. Anouchka (dont j’aimerais retrouver la trace), tu as été mon ange ­gardien ! Tu m’as conjugué à ta manière le verbe aimer son prochain en russe car la France quelque part dans ta vie t’avait marquée. Mes mains et mes pieds retrouvent progressivement du mouvement. Je peux au bout de quelques jours m’alimenter seul. Mais la dysenterie poursuit ses ravages. La pous­sière de charbon de bois, l’écorce grillée de bou­leau ont bientôt raison de la maladie et régulent mon transit intestinal. Tenant à peine debout, on m’emmène sur une civière aux toilettes, un banal W.C. ouvert à tous les vents. En guise de papier-toilette, on me brandit, prélevées hors des coffres razziés, des liasses de RM (Reichsmark), devenues monnaie de singe et j’en profite pour faire la nique au Führer, sous l’œil hilare des infirmiers. Soigné, lavé, dorloté, je le suis grâce à mon Anouchka de rêve qui m’extirpe trois éclats d’obus de mes jambes bien grêles. Je me demande, au vu de la grosseur d’une des billes d’acier extraite si je n’ai pas été blessé par une grenade à main durant les dernières heures précédant ma captivité. Sous les coups laborieux du scalpel, je réalise subitement que trois semaines avant, j’avais été bien secoué au cours d’une attaque de tanks. Avec un bout de bois bloqué dans les dents et un tampon imbibé d’éther sur le nez en guise d’anes­thésique, Anouchka s’évertue à m’extraire les éclats acérés. Le pus en a déterminé la localisation. Pour avoir l’air d’un homme courageux et lui mon­trer qu’un Français sait souffrir en silence, j’endu­re le martyre face à ma chirurgienne d’occasion. L’intermède bienheureux s’achève au bout d’une quinzaine de jours. Tandis que son régiment plie bagages et après un adieu aux larmes, le brave Yossef se retrouve à nouveau seul dans la galère. Qu’importe ! Je peux à nouveau mettre un pied devant l’autre et j’ai retrouvé la pleine possession de mes moyens. De nuit, je suis embarqué sur un camion qui est chargé d’Allemands blessés et qui se dirige vers la gare. Je constate que, dans le lot, je suis un des rares, à ne pas être plâtré.» Birig Joseph

(Ses tribulations ne seront pas finies pour autant. Il figurera parmi les 6 survivants d’un wagon bourré de 111 captifs après un bourlingage démentiel de 11 jours. Extraits du Tome 2, Malgré-nous, qui êtes-vous ?)

 

« Le 10 mars, on est parti à Pulawi (40 hommes par wagon, 4 jours et nuits dans le train), on a travaillé dur là-bas. Le 26 mars, ce fut le départ pour Ségésa  avec arrivée le 4 avril. Dans le camp, le manger n’était pas mal, on avait des planches pour dormir. On travaillait 8 heures. Je suis rentré de Tambow le 24 octobre 1945, couvert d’eczémas contagieux dont ma femme a fait les frais quelque temps ». Brunner Eugène, né le 23. 11. 1911

 

«13 janvier 1943, départ dans un régiment de grenadiers, avec instruction passée à Brunn en Tchécoslovaquie. Le 20 juillet, j’ai pris du service dans le secteur central. Blessé par balle de fusil à l’abdomen, j’ai été capturé le 16 janvier 1945 à Radom pendant la retraite. J’ai transité par Radom, Pulavy, Segesa (froid de l’hiver) et Tambow (abattage d’arbres, corvée de chiottes, manques d’eau et de nourriture).

Un de mes frères est tombé au champ d’honneur à 20 ans. » Grotzinger Paul

 

« 4 décembre 1944, expédié dans l’infanterie, j’ai été ensuite affecté le 23 janvier 1945 sur le front de Pologne. Derniers combats à Neuwied. J’ai pris deux éclats dans le genou gauche, l’un y est toujours. J’ai été capturé à Schwiebus le 1er février en étant encerclé pendant la retraite.

 

J’ai séjourné au camp de Pulawi. J’ai été rapatrié le 26 septembre 1945. » Potier Marcel


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