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« R.A.D. : je suis parti le 10 juillet 1944 à Hausen vor der Roehn où notre unité d’Arbeitsmänner, la 5/288, a surtout été impliquée dans les travaux agricoles auprès des paysans, avant d’être envoyée dans le secteur de Koenigsmacker-Kerling (région de Thionville) où elle eut à son actif l’aménagement de fossés anti-chars (Panzergraben) érigés entre la voie ferrée et la rivière Moselle, terrassements destinés à arrêter l’offensive américaine de Patton s’avançant vers la Lorraine. A Bierbach et environs, ma nouvelle Abteilung 2/322 fut chargée de creuser des fossés, des tranchées de liaison et autres Laufgraben dans la Siegfried Linie.

Sans bénéficier de permission légale à la fin de mon service du travail obligatoire au Reich comme il était de coutume en pareil cas, j’ai été embarqué avec mon groupe en gare de Sankt-Wendel, direction la Lüneburger Heide afin d’être incorporé illico dans la Wehrmacht (Stam. Kp. Gren. Ersatz u. Aus. Btl 47, plaque 5176).

Le dur métier de fantassin nous est inculqué dans les genêts et les bruyères qui râpent nos treillis. Pressée par le prochain déferlement soviétique et pour y faire face, la mise en ordre de bataille nous a ensuite expédiés à Skiernewice. Habillés chacun d’un nouvel uniforme, nous avons été envoyés au front dans la région de Raducz, dans le Stab. I-4 Kp. F.A. Rgt. AOK 9 où je dispose d’un nouveau code postal : Feldpost 66614 E. Je suis versé dans une compagnie de mortiers. Une seule fois, nous avons fait face à un assaut russe. L’esprit de sacrifice n’était pas le fort de notre adjudant qui préférait s’éclipser et ménager ses hommes plutôt que de résister en pure perte. Au loin, dans le village de Rawa, tonnait la canonnade ; c’était le 15 janvier 1945. Sans armement adéquat face aux forces de l’Armée Rouge, les unités hétéroclites allemandes flanchaient face aux troupes soviétiques dotées de moyens mécaniques rapides qui eurent vite fait de nous encercler. Je tombai entre leurs mains trois jours plus tard, près de Striegau (18 janvier). « Franzous’ » : leur criai-je. Ce terme était diversement interprété par les vainqueurs. Si les uns firent Kamarad’ avec nous, d’autres plus coriaces matraquèrent et bastonnèrent les supposés L.V.F. que nous n’étions pas ! Après être revenus sur Skiernewice et alors que nous nous acheminions vers un camp de regroupement situé à l’arrière du front, loin de tout combat, un instituteur alsacien, du nom de Weber, père de trois enfants, crut bon de nous dire que le plus dur était passé. A cet instant, une colonne de chars arriva et lamina la rangée dans laquelle il se trouvait. Nous eûmes juste le temps de sauter dans un fossé profond qui bordait la route. Lui, par contre, eut les jambes écrasées ; le coup de grâce retentit peu après. Les réactions des troupes montant au front étaient imprévisibles et combien de gars allaient ainsi mourir au hasard de ces rencontres mortelles où l’ennemi cartonnait à coups de fusils ou de mitraillettes dans le tas des vaincus. Ainsi, avons-nous échappé de justesse à la colère noire d’un soldat russe, ivre de vengeance et bourré d’alcool à l’ouverture d’une lettre lui annonçant la mort de son frère, et qui voulait tous nous liquider. A notre grand soulagement, un de ses compagnons put arrêter le bras vengeur du tueur. Les marches conduisant vers le camp de Pulawi furent un vrai calvaire pour moi. Déjà affaibli par le peu de nourriture reçue en première ligne, je me traînais sur les routes blanches, grappillant neige et saloperies pour calmer les râles de mon estomac malade. Pendant que nous étions parqués dans une étable pour y passer la nuit, un captif dénicha en farfouillant dans le crottin bouseux, un trognon de betterave mâchouillé par des brebis. Alerté par ses cris de joie, chacun de nous se rua sur l’ordure, les mains dans la merde, pour espérer dénicher à son tour les lambeaux exquis d’une rave sucrière. Alors que la marche avait repris, je fus terrassé par un horrible mal de ventre ; je baissai culotte sous l’œil moqueur de gamines polonaises. La colonne continuait sa route sans égards pour ceux qui, comme moi, étaient dans la détresse. Empoigné par deux camarades, Birig Joseph (cf. son témoignage dans Malgré-Nous, qui êtes-vous ? tome n° 2) et Jacoby Lucien, je poursuivis vaille que vaille, dans l’inconscience, mon douloureux périple. Sans mes anges gardiens, je ne serais plus de ce monde. La vie tenait à peu ; celui qui se retrouvait seul, sans secours, avait déjà un pied dans la tombe.

A Pulawi, je vaquai à différentes occupations : portage de munitions, main d’œuvre au Stadtlazarett. En nous conduisant au travail, un garde russe, fier comme Artaban, nous ordonnait de chanter des lieder allemands. Le pauvre croyait en ces instants solennels détenir les clefs d’un pouvoir de domination absolue sur ses esclaves !

Nous travaillâmes également dans une coopérative agricole : les sacs d’orge éventrés par les éclats d’obus dans la fureur des combats nous tendaient leur contenu. La voracité qui nous submergeait en ces instants merveilleux nous incitait à bourrer du mieux possible nos poches et autres récipients avec cette céréale bienvenue. Le garde nous recommanda cependant d’être plus discrets dans le chapardage car les sentinelles perspicaces veillaient au grain au portail et gare aux fouilles !

En vaquant dans un hôpital militaire russe, j’eus la chance de tomber sur des blessés généreux qui me remplirent le bidon de soupe (au point d’avoir eu mal au ventre après l’absorption du potage) et qui me fournirent du pain à gogo que je casai dans mon manteau grossi par la charge au point que je dus le ficeler.

Puis, après Pâques, ce fut l’embarquement vers d’autres latitudes. La neige épaisse étendait sa morne désolation sur des paysages sans fin. Passée Leningrad, où nous menait-on ?

J’avais fêté mes 18 ans à Pulawi et je doutais fort que je ne reverrais plus mon pays en débarquant le 4 avril 1945 à Segesa, dans un centre forestier de la Carélie, submergé par un impressionnant linceul blanc.


A Segesa, j’ai vaqué à de nombreux endroits.

Chaque matin, le chef désignait le quota d’hommes répartis par chantier et nous partions en commandos abattre la tâche imposée.

J’ai d’abord travaillé dans l’usine de papier à devoir y ranger transformateurs et autres affaires, puis en forêt à fabriquer du charbon de bois et enfin, au bord du lac à rassembler en d’immenses radeaux le bois de flottaison destiné à l’usine de cellulose.

Des canaux de dérivation aux berges tapissées de planches et munis d’écluses, permettaient d’amener à pied d’œuvre les rondins de bois en question qui étaient ensuite manipulés par les détenus et dirigés sur des écorceuses et déchiqueteuses, pour finir en pâte mécanique à l’usine. Un jour où l’on recherchait des électriciens, j’ai proposé mes services et me voilà chargé de réparer des moteurs alors que je n’avais nulle qualification en ce domaine. J’en fis part à l’ingénieur allemand qui voulut bien me garder pour la journée, sachant qu’il était soumis à des normes de rentabilité en matière de réparation desdits moteurs et ne pouvait donc décemment me garder.

La faim a toujours été omniprésente à Segesa. Pendant notre boulot de charbonniers ou de forestiers, nous trouvions parfois des champignons (gribi) poussant à profusion sur les débris végétaux faits d’écorces et autres résidus ligneux. C’étaient des morilles qui avaient le bon goût de ne pas nous empoisonner.  

Une chèvre broutant l’herbe dans l’enclos de l’usine tomba un jour entre nos mains ; nous essayâmes de la traire, en vain. Tarie comme une source en été, la bique ne put nous délivrer sa moindre goutte de lait !

La faim fit de nous aussi d’habiles faussaires de tickets de distribution de nourriture (encore fallait-il se méfier du Stubälteste, un kapo polonais prêt à nous vendre à tout instant aux Russes). Chaque jour, nous avions droit à un de ces tickets qu’un responsable de la Feldküche retirait d’un rouleau imprimé. Dans ma chambrée, un artiste, dessinateur industriel, que les autorités russes avaient chargé de réaliser des tableaux, la plupart du temps des nus qui ravissaient leur œil coquin, nous proposa ses couleurs et pastels que nous utilisâmes alors pour imiter les contremarques de repas. Ces fameux billets que nous contrefaisions en cachette trompaient le préposé au réfectoire. Véritables sésames nourriciers, ils étaient réalisés à partir d’un mélange de teintes provenant de la palette de notre peintre pour imiter parfaitement ceux en circulation. Chaque bristol rectangulaire était coupé par deux diagonales en forme de croix qui représentaient quatre types de distribution (pain, soupe, kacha, et autres denrées) ; il fallait le présenter au guichet où l’agent de contrôle déchirait par une encoche l’une des cases précisant le type de nourriture distribuée. Je présentais d’abord mon faux billet qu’il validait, je recevais mon brouet en conséquence. Une fois ma portion avalée, je revenais avec mon vrai carton et re-belote ! Il m’arrivait, une fois introduit dans la colonne des bénéficiaires, de sortir de dessous le manteau deux ou trois boîtes de conserve rouillées que je présentais au cuistot distributeur qui me les remplissait, pensant sans doute que je les destinais à des camarades ! Tous, d’une manière ou d’une autre, nous avons essayé de gruger le système de distribution mis en place. Parfois aussi, je me retrouvais devant la bassine vide parce que des camarades goinfres avaient pu utiliser avant moi le stratagème du double passage. Pour obtenir un couteau bricolé, il fallait sacrifier sa portion de tabac. Clous et autres pièces métalliques trouvés je ne sais où étaient transformés sur des bancs à tourner en divers ustensiles. Mais des perquisitions régulières effectuées par les gardes éliminaient ces précieux outils ; il fallait à nouveau se priver de ration pour espérer récupérer un canif bricolé auprès d’un habile tourneur.

De par mon travail dans les différents chantiers à l’usine, j’ai eu loisir de suivre de près la transformation des billots de bois en papier. Comme l’écorce et le tanin avaient tendance à noircir le futur papier élaboré, les rondins acheminés soit par wagons entiers, soit par canaux de guidage, parvenaient déjà épluchés à l’usine.

Là, une râpeuse les hachait en grossiers copeaux, puis une double meule les triturait en sciure. Cette poudre de bois était ensuite finement broyée par une série de cinq nouvelles meules et sortait pour ainsi dire en farine, en fin de circuit. Mélangée à divers produits, la pâte mécanique ainsi obtenue s’écoulait du cuvier et s’essorait sur des tamis et autres tapis roulants avant de filer dans les presses humides. Le long ruban couleur crème était rendu rectiligne par des jets d’eau sous pression qui coupaient ses bordures dentelées ; la bande évaporée s’avançait ensuite dans la sècherie et s’enroulait pour former une énorme bobine de papier.

Une grue soulevait les lourdes meules et les acheminait vers une découpeuse qui retirait en continu des feuilles de papier fort. Des couturières utilisaient ce papier kraft pour en fabriquer des sacs. Quatre pompes d’eau sous pression, gardées par des ouvriers en alerte constante, évitaient tout risque d’incendie dans l’usine.

Lorsque le dégel fit fondre la glace, nous quittâmes notre base de carbonisation du bois pour nous activer sur les rives surchargées de grumes et de troncs ; des kommandos forestiers nous les déversaient du haut des talus.

Munis d’un lance-harpon pour marcher sur les billots instables, il nous fallait hâler dans l’eau cet amas enchevêtré de bois scié et le rassembler dans un cordon élaboré avec des poutres-lianes reliées entre elles par des chaînes d’ancrage et des crampons de charpentiers. Un schooner traînait ensuite cette île flottante sur le rivage opposé où se profilait l’usine de cellulose. La pratique pour harponner les troncs sur lesquels nous jouions les acrobates histoire de ne pas plonger dans l’élément glacé était fort dangereuse. En effet, les troncs roulaient dans l’eau, s’agglutinaient entre eux, tanguaient sous le poids et malheur à l’imprudent qui buvait la tasse s’il n’était pas secouru immédiatement face à cette masse compacte qui se refermait sur lui comme un piège. Patatras, pour avoir perdu à mon tour l’équilibre, je tombai un jour dans l’eau glacée. Trempé jusqu’aux os et pris de frissons, j’attrapai une pleurésie qui fut soignée à la mode russe ! à savoir que, chaque soir, pour éteindre ma fièvre qui plafonnait à plus de 40°C, on m’enveloppait dans une couverture mouillée, je veux dire très, très fraîche. Un cataplasme original au pays des embaumeurs de Lénine pour tuer la température ! Heureusement, je ne restai que quelques jours au lazaret d’autant plus que la sœur infirmière nous alerta pour nous signaler un départ imminent vers Tambow. Je rejoignis in extremis mes compatriotes en attente de départ à la gare. En quittant notre camp le 24 juin 1945, le convoi a longé un Lager de prisonniers allemands. Notre garde a alors esquissé le signe de la croix pour nous signifier que ces prisonniers-là ne verraient plus jamais la liberté.

Au vu de mes ennuis de santé endurés, je plaignais sincèrement les pauvres gars chargés de remonter sur la berge les lourds troncs flottant dans le lac. Installés sur la rive, les forçats allemands poussaient les grumes baignant dans l’eau dormante vers de solides béquilles (immergées dans des bassins spécialement aménagés), lesquelles étaient remontées par des chaînes courant sur un plan incliné. Les troncs rapportés sur la terre ferme étaient ensuite sciés.

Début août 1945, je partis de Tambow dans le premier convoi de rapatriement en raison de mon jeune âge. Ma plaie au pied qui suppurait avait pris des proportions inquiétantes, elle put être soignée à Magdebourg.

 

Les L.V.F. furent appréhendés par les autorités françaises en Hollande. » Zitter Rémy+, né le 13. 03. 1927


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